1a) D’où viennent les caducées ?

En PréAmbule

Tout au long de ce travail qui au gré des mois devient de plus en plus fouillé, nous allons cerner au plus près l’apparence d’un caducée dans différents domaines.

L’historique en est particulièrement anecdotique.

Pour Waldemar Deonna (Emblèmes médicaux des temps modernes. Du bâton serpentaire d’Asklépios au caducée d’Hermès, revue internationale de la Croix-Rouge et Bulletin international des Sociétés de la Croix-Rouge, Mar 1933, n°170, p. 323) et d’autres auteurs le terme caducée n’est pas approprié pour le médical mais seulement adapté à Hermès/Mercure.

 Au fur et à mesure, le mot se généralise. On peut donc qualifier de caducée toute ligne droite verticale ou vase sur laquelle s’enroulent un ou deux serpents, ces éléments surmontés parfois soit par des ailes et/ou/sans pétase soit par un miroir, un coq ou une couronne… le tout représenté sur des supports variés.

Mais pour cela, il faut, avant tout, avoir une idée sur certaines provenances du caducée même si l’exposé reste très succinct. 
Des auteurs ont parfaitement traité en profondeur les origines du sujet.

D’aussi loin que l’on puisse remonter quant à la découverte de caducées (selon la définition élargie), il s’agirait de bâtons percés en bois de renne provenant du Paléolithique supérieur et plus particulièrement du Magdalénien (- 17 000 / – 10 000), bâtons de pouvoir ornés de serpents gravés.

Puis au Néolithique, ces symboles se retrouvent sur des mégalithes en Bretagne et en Turquie.
Sources :
Baudouin Marcel, La préhistoire du caducée, Extrait de la Médecine internationale illustrée, Paris, 1918.
Julienne Nicolas, Etude symbolique du caducée médical français contemporain. Thèse d’exercice de Médecine, Université
 Claude Bernard – Lyon 1, 22 septembre 2015. 
 Bayard Jean-Pierre, Le symbolisme du caducée, Paris, 1988.

Dans de nombreuses civilisations, nous rencontrons des caducées (différentes formes, serpents sur différents supports avec parfois des ailes associées) afin de ne pas nous disperser, nous allons restreindre notre approche mais certains cas seront discutés plus loin.

De nos jours, le terme caducée est pluridisciplinaire et est issu de notre culture gréco-romaine : un dieu antique, un symbole médical, le commerce, les transports, des allégories… Toutefois, la majorité des caducées trouvés dans Paris représente l’attribut du dieu Hermès/Mercure.

Repères iconographiques

Dieu serpent Ningishzida (seigneur de l’arbre fiable) : dieu mésopotamien de la végétation et de la fertilité, dieu chtonien. Fils du dieu chtonien Ninazu (seigneur médecin) et de Ninginida. Il est uni à la déesse Ninazimu’a.

Il a comme symbole un reptile venimeux ressemblant à une vipère. Voir le vase en stéatite (Louvres). Ce dieu est un messager entre les hommes et la déesse Ishtar ou le dieu Ningirsu.

D’après William Hayes Ward, les cylindres de sceau de l’Asie occidentale (1910) : certains sceaux cylindriques mésopotamiens possèdent des symboles ressemblant au caducée et dateraient entre 4000 et 3000 avant J.-C. (3500 pour certains à Babylone).

Les grecs ont bâti de nombreux temples en l’honneur du dieu.

Le culte d’Esculape est introduit à Rome en 291-293 av. J.-C. sur le conseil d’un oracle afin d’enrayer une épidémie de peste. Il déclare de se rendre au temple d’Asclépios d’Epidaure. Au retour, les marins emportent avec eux un serpent du sanctuaire (selon Valerius maximums, 1er s. ap. J.-C.), il s’agit d’Esculape métamorphosé. Le reptile s’échappe et se réfugie sur une île du Tibre. Peu après la peste disparaît à Rome et l’on construit sur l’île le 1er sanctuaire-hôpital de la ville (Roger DACHEZ, Histoire de la médecine, Paris, 2008, p. 168-16 ; Ovide,  Métamorphoses, XV, 602-646).

Les Asclépiades sont des temples du dieu répartis sur le pourtour méditerranéen afin d’accueillir tous les malades qui le souhaitent.
La vie d’Asclépios passe du mythe à la réalité. Il en est ainsi de la médecine divine des Asclépiades par rapport à la médecine terrestre humaine. Hippocrate et Thucidide se refusent à relier « les événements historiques par les volontés divines » (Jacques JOUANNA, Caroline MAGDELAINE, Hippocrate, l’Art de la médecine, Paris, 1999, p.36).
Il y a plusieurs autres légendes pour expliquer le symbole de ce caducée, notamment :
– des serpents morts retrouvent vie dans ces temples grâce aux pouvoirs de guérison d’Esculape.
Par la suite, ces reptiles ont été pris comme gardiens des temples « Asclepius ».

– un serpent menaçant se dirige vers Asclépios qui du coup tend un bâton pour se protéger. Le reptile s’y enroule mais le médecin frappe la verge sur le sol et de ce fait assomme l’animal. A ce moment, un autre serpent, une herbe dans la gueule, arrive afin de porter secours à son alter ego en le ranimant. Une autre « fable » dit que c’est Asclépios lui-même qui ranime le serpent à l’aide d’herbes posées dans sa bouche. D’où la gratitude éternelle du reptile envers le médecin.
Le dieu de la Médecine comprend à ce moment l’importance des herbes dans les guérisons.

Les serpents rampent sous terre et connaissent donc bien les plantes et les mystères après la vie.

Le serpent qui s’infiltre partout correspond au savoir, il connaît les vertus des plantes, tous les mystères et les secrets. Le serpent lui-même a beaucoup d’autres significations.

Le « serpent d’Epidaure » ou « serpent d’Esculape » devient le bâton d’Esculape.
Ce bâton d’Asclépios diffère du caducée d’Hermès par le nombre de serpents qui s’entourent autour de la baguette (2 chez Hermès).

                                                                                  Tirésias

Le caducée serait en rapport avec le devin Tirésias.

Tirésias est le fils de de la nymphe Chariclo qui est l’amie d’Athéna.

Selon une fable, Tirésias est un savant qui un jour croise 2 serpents en train de s’accoupler. Il les assomme avec un bâton mais du coup, il se transforme en femme. Après 7 automnes, il rencontre de nouveau les 2 reptiles et les frappe de nouveau en espérant redevenir un homme. Ce qui se réalise.
N’ayant pas été du même avis que Junon sur un sujet sexuel, la déesse le rend aveugle. Mais Zeus, avec lequel le docte est du même avis, lui offre le don de connaître l’avenir.

C’est l’âme de Tirésias qu’Ulysse consulte pour savoir comment retourner chez lui à Ithaque et dans quelles conditions.

Dans une autre légende, Tirésias est devenu aveugle par la volonté d’Athéna qu’il a surprise toute nue lors d’un bain avec les nymphes. Mais la déesse, à la fois offensée et compréhensive, offre à l’aveugle le don de comprendre le langage des oiseaux et un bâton de cormier avec lequel il se dirige aussi bien qu’un voyant.

Hésiode, Fragments, 275.
Ovide, Les Métamorphoses, III, 323. 1er siècle.

Le caducée très simple au départ devient plus complexe par la suite. De simple baguette d’olivier, de sorbier, de cormier ou de laurier, il se prolonge ensuite en une sorte de couronne circulaire chapeauté d’un croissant. Ce qui forme un 8 ouvert au niveau de la boucle du haut. Le nombre des anneaux formés par les serpents entrelacés de caducée peut aller jusqu’à cinq.

D’après Homère, le dieu (Hermès-Mercure) a échangé sa lyre contre un bâton avec des serpents entrelacés parfois avec des ailes au-dessus et ornementé de rubans. En fait, Hermès survolant le mont Cithéron en Arcadie, a jeté le bâton, offert par Apollon afin de séparer deux serpents qui se combattaient (d’où également : bâton d’Arcadie). En signe d’apaisement, les reptiles se sont enroulés sur la tige. Ce thyrse possède des pouvoirs bienfaisants dans les domaines du transport, du commerce mais aussi des vertus curatives et notamment, il permet la guérison des morsures de serpents.

Une sculpture en l’honneur d’un guérisseur qui a fait boire du venin de 2 serpents, ajouté à du lait, à un patient serait selon une légende à l’origine du graphisme du caducée pharmaceutique (Ephèse (Turquie), aux alentours du IVème siècle avant J.- C.).

La période de la Renaissance (du XVe s. au début du XVIIe s.) correspond à l’abandon de l’esthétique byzantine et à l’inspiration basée sur l’Antique.
Allégories et emblèmes reprennent les formules antiques tandis que des ouvrages médicaux utilisent la représentation de Mercure et de son caducée.

JOHAN FROBEN (vers 1460-1527)​

 

Johan Froben est un imprimeur suisse de Bâle qui fonde son imprimerie en 1491 et remporte de suite une belle réputation en Europe. En 1491, impression de la Bible in-8° (la feuille imprimée a été pliée, ce qui correspond à 16 pages).

Urs Graf, Hans et Ambroise Holbein participent à l’illustration des ouvrages.
Dès 1515, son image de marque consiste en un caducée : une tige autour de laquelle s’enroulent deux serpents dominés par une colombe qui évoque l’Evangile : « Soyez prudents comme les serpents et simples comme les colombes ».

Erasme a été un client !

C’est le fils de Johan, Hiéronymus qui lui succède. Il s’oriente vers l’édition d’ouvrages scientifiques de médecine et de médecine naturelle

L’imprimeur Froben permet un des premiers emplois de caducée médical.

   Sources

Encyclopédie Universalis, Thesaurus, A-Kosaku, vol. 19, 1983, p. 804.
Julienne Nicolas, Etude symbolique du caducée médical français contemporain. Thèse d’exercice de Médecine, Université Claude Bernard – Lyon 1, 22 septembre 2015, p. 55.   

En fait, le caducée d’Hermès est parfois considéré comme l’emblème de médecins à cause d’une confusion des médecins américains entre ces symboles (celui d’Esculape sans aile, celui des pharmaciens et celui d’Hermès). Cela date de 1902 où le caducée bi-serpentaire de Mercure-Hermès a été adopté aux USA.

La confusion a eu lieu aussi chez les médecins français qui considéraient le serpent enroulé sur un bâton et surmonté d’un miroir de la Prudence (non médical à la base) comme caducée médical (Waldemar, 336-339).
Seul, l’insigne d’Hermès doit être normalement appelé caducée sinon, il s’agit du bâton serpentaire d’Esculape.

En iconographie, en ce qui concerne le domaine médical, vous retrouverez parfois un type de caducée parfois un autre. Ne vous étonnez donc pas de cette concurrence !

Par contre, l’Ordre des Médecins de France arbore un caducée formé par le serpent d’Asclépios enroulé autour d’une verge et surmonté d’un miroir. Le miroir symbolise la sagesse et la prudence (la prudence du médecin qui rend son diagnostic).

Le 19 juillet 1948, l’OMS désigne le caducée comme l’emblème des Nations-Unies. Pour le Conseil national de l’Ordre des médecins, il faut noter que ce caducée est retenu pour le stationnement et les soins à domicile.

Julienne Nicolas, Etude symbolique du caducée médical français contemporain. Thèse d’exercice de Médecine, Université Claude Bernard – Lyon 1, 22 septembre 2015, p. 58-59.

AITA (AITAS) :

Dans le monde chtonien et chez les étrusques Aita (Aitas) est le dieu de la mort (sa femme est Persipnai ou Phersipnei, l’équivalent de Perséphone).
Aita, barbu avec une peau de chien ou de loup sur la tête tient un sceptre sur lequel s’enroule un serpent.  Représentation que l’on trouve sur un sarcophage de Torre San Severo, milieu du IVe        av. J.-C, musée Claudia Faina, Orvieto, Italie.
Jean-Marc Irollo, Histoire des Etrusques, Paris, Perrin, 2010, 249p.

Certains résument les composants du caducée comme :
– la baguette, bâton, verge, perche, tige, arbre = pouvoir ;
– le serpent = prudence ;
– ailes = activité.

Le nombre des anneaux formés par les serpents entrelacés peut aller jusqu’à cinq.

Vase de stéatite, Antiquités orientales, Louvre.
Ephèse (Turquie).

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